Interview d'un inventeur
Quand on a passé 5 ans d’études pour devenir ingénieur, en suivant une voie toute tracée, on a du mal à envisager autre chose que le salariat. Avec une paie correcte en sortie d’école, on ne se pose pas vraiment la question. Et même si l’on n’est pas passionné par son travail, on est trop habitué au confort et à la stabilité pour remettre en cause ce non-choix.
Passionné par la conception de nouveaux systèmes et animé par l’idée d’être indépendant / entrepreneur, j’ai voulu en apprendre plus sur la voie « d’inventeur indépendant ».
En cherchant sur internet, je n’ai trouvé que très peu d’informations sur le sujet. Je me suis donc dit que j’allais interroger des personnes qui l’avaient fait. Pour ce premier pas vers l’inconnu, j’ai contacté un inventeur avec plus de 80 propriétés industrielles (Brevet, Soleau) à son actif, et qui continue à travailler plus que la plupart des jeunes, malgré l’âge de la retraite largement dépassé.
Voici la retranscription de l’entretien (avec quelques libertés prises de ma part dû à mes notes partielles).
Parcours
Quel est votre parcours, comment avez-vous commencé?
Michel: Il y a 50 ans, l’éducation coûtait cher et je n’avais pas d’argent pour aller dans les grandes écoles. J’ai donc été directement formé dans une « entreprise-école », l’UNICAM, où j’étais payé mais en travaillant 7j/7 non stop pendant 5 ans. Cela m’a permis d’apprendre dans beaucoup de domaines, d’expérimenter différents postes, car nous faisions régulièrement des remplacements dans des usines.
J’ai ensuite directement commencé comme indépendant, prenant d’abord des petits projets, puis de plus en plus important.
J’ai déposé mon 1er brevet à 18 ans, portant sur la coque 3 points que j’ai amélioré toute ma carrière.
Quelles compétences avez-vous apprises à l’école, en dehors ?
Ingénierie mécanique, électrique, etc. Science plus fondamentale (physique, mathématiques, …) et puis ensuite j’ai appris beaucoup par moi-même, en me débrouillant.
Les caractéristiques (qualité ou défaut) qui vous ont servi dans votre voie ?
La persévérance est indispensable, la prudence m’a aussi beaucoup servi.
Quels sont vos conseils pour débuter?
Il faut commencer par des petits projets (pas forcément intéressants) pour prendre de l’expérience. Certains secteurs sont plus appropriés, la conception de machines spéciales par exemple, est un excellent domaine pour débuter.
C’est plus difficile de se lancer aujourd’hui qu’à l’époque, car il y a des bureaux d’études partout, avec des gens spécialisés et très pointus dans un domaine en particulier, il y a donc moins de place pour les touche-à-tout indépendants.
être inventeur
Comment gagnez- vous de l’argent, qui sont les clients d’un inventeur ?
J’ai créé 9 entreprises au cours de ma vie, dont la plupart ont été revendues.
Il y a aussi les droits sur les brevets, dans le cas par exemple de machines conçues pour un usage spécifique dans une entreprise.
Cependant, il faut se méfier vis-à-vis des brevets, il y a parfois des bizarreries ressemblant fortement à de la corruption. En tant qu’inventeur indépendant, vous ne pourrez pas faire grand chose contre les gros poissons.
Quel est votre rapport aux échecs, est ce que vous en avez eu, comment les surmonter ?
Oui, un certain nombre de d’échecs, surtout dans les partenariats (les gens malhonnêtes qui se débrouillent pour vous doubler).
Dans ces cas-là, attaquer en justice est très souvent une perte de temps et d’argent.
Chaque échec permet de se renforcer et de ne pas se faire avoir la fois d’après.
Si on échoue, c’est aussi la preuve qu’on va en terrain inconnu, qu’on explore des nouvelles pistes, et c’est le cœur du métier d’inventeur.
Comment communiquer sur ses créations ?
En tant qu’indépendant, il est nécessaire de communiquer pour “promouvoir” ce qu’on fait, mais il faut aussi rester très secret pour ne pas se faire avoir. Il y a un subtil équilibre à trouver entre donner un peu d’information et garder l’essentiel dans l’ombre. Cela attirera toujours les critiques des rageux mais il faut apprendre à se détacher de ces attaques qui le plus souvent n’apportent rien.
Message
Quel conseil donneriez- vous à quelqu’un qui veut se lancer en tant qu’inventeur indépendant ?
Il faut admettre les critiques (jalouses en général), ne pas compter ses heures, ne pas s’attendre à ce que tous les jours soient roses mais persévérer et savoir qu’un jour ça payera.
Bilan
Cet interview était l’occasion pour moi d’aller à la rencontre d’un inventeur comme on en voit peu et d’avoir une vision un peu plus concrète de ce en quoi consiste cette voie. Si je savais déjà que c’était un chemin semé d’embuches, c’était très intéressant de discuter avec une personne qui a pu surmonter ces difficultés, parlant de sa vie sans aucun regret et encore passionné par son travail.